Faillites en Espagne (3) : La responsabilité des administrateurs

Afin d’éviter la destruction du tissu entrepreneurial, différents moratoires sur les faillites ont été déclarés en Espagne pour les entreprises en situation d’insolvabilité. La responsabilité de gérer correctement ces délais et d’agir avec diligence incombe aux administrateurs des entreprises.

La suspension de l’obligation de la déclaration d’insolvabilité n’implique pas qu’il n’est plus possible de faire appel à cette procédure. Dans certains cas, cette option est même plus opportune.

Cependant, la suspension de cette obligation légale, a fait naître une fausse confiance chez de nombreux administrateurs qui pensent que le fait de ne pas déclencher la procédure n’entraîne pas la moindre conséquence.

Il est important de souligner qu’il incombe à l’administrateur, dans les cas où il ne peut ignorer que l’entreprise n’est plus viable, malgré la mise en œuvre des mesures et l’utilisation de tous les outils nécessaires autorisés par la loi, et bien qu’il ne soit pas obligatoire de présenter une déclaration d’insolvabilité, d’évaluer et de décider de recourir ou non à la procédure, en fonction de si l’administration ordonnée et diligente de l’entreprise l’exige.

Les faits évoqués auparavant ont principalement pour effet d’éviter par la suite la classification de la procédure comme coupable en raison d’une aggravation du déficit de la part de l’administrateur. En effet, la classification de la procédure comme coupable ne serait pas applicable en raison du manquement de l’administrateur à son obligation de recourir à la procédure d’insolvabilité, mais plutôt du fait que la naissance et/ou l’aggravation de l’insolvabilité a été provoquée par une faute intentionnelle ou grave de la part des administrateurs. En somme, ils ne respecteraient pas leur devoir de diligence lorsque, après avoir effectué une analyse de la situation, ils décident de retarder l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, et ce, en ayant pleinement connaissance de l’état d’insolvabilité de l’entreprise et de l’aggravation constante de celui-ci. Une telle attitude pourrait être qualifiée de malveillante ou constituer une faute grave, ce qui susceptible d’entraîner une reclassification de la procédure d’insolvabilité comme coupable.

Conséquences d’une classification de procédure coupable

Les conséquences d’une classification de la procédure comme coupable pour les administrateurs sont, entre autres, les suivantes :

• L’interdiction d’administrer les biens d’autrui pendant une période de 2 à 15 ans
• La prise en charge du déficit de faillite : dans le cadre de la liquidation de l’entreprise insolvable, les administrateurs répondent, avec l’intégralité de leur patrimoine personnel, des créances non honorées.

Recommandations aux administrateurs

Les mesures temporaires adoptées en raison de la pandémie de Covid-19 sont :

  • Le report de l’obligation de déclaration d’insolvabilité
  • Le recours préférentiel à une procédure volontaire plutôt que nécessaire, et
  • La possibilité de modifier les conventions sur l’insolvabilité, les accords de refinancement ainsi que les accords extrajudiciaires de paiement pour éviter que les entreprises connaissant d’importantes pertes et des déficits de financement à court terme en raison de circonstances exogènes, mais ayant des projets viables à moyen et long termes, ne soient contraintes d’ouvrir une procédure d’insolvabilité pouvant mener à leur liquidation dans des moments où la situation économique est incertaine.

Toutefois, ces mesures comportent le risque implicite que le report de ces obligations entraîne une aggravation de l’insolvabilité. La Banque d’Espagne s’est également exprimée en ce sens, faisant remarquer que le moratoire sur les faillites engendrera un plus grand nombre d’entreprises zombies. Une situation qui, à son tour, implique une diminution des investissements et de la croissance de l’emploi, tout en provoquant une perte de productivité et un désintérêt quant à la création de nouvelles entreprises.

En définitive, les gestionnaires et les administrateurs doivent mettre en œuvre une série de mesures visant à revitaliser la situation financière de l’entreprise, sans pour autant s’appuyer exclusivement sur le moratoire existant. Cela signifie que chaque fois qu’il existe des doutes sérieux quant à la viabilité future de l’entreprise ou aux possibilités de remplir leurs obligations, les gestionnaires et les administrateurs se doivent de ne pas attendre la fin du moratoire actuel sur les faillites pour demander l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité et utiliser les outils de pré-insolvabilité et d’insolvabilité en vue d’éviter la liquidation de leur entreprise tout en limitant le risque de responsabilité.

Enfin, il est préférable de vérifier l’origine de chaque opération sociétaire extraordinaire envisagée, puisque celle-ci pourrait être annulée si elle se révélait préjudiciable au patrimoine de l’entreprise.

Saphira Mouzayek

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Cet article ne relève pas du conseil juridique

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