Les codes de conduite constituent un ensemble de normes de comportement dont la finalité est de faire connaître les pratiques considérées comme acceptables par l’entreprise.
Récemment, un conflit collectif survenu dans une des banques les plus importantes d’Espagne, la Banque MARCH (arrêt 40/2018 du 6 mars, de l’Audience Nationale, Chambre sociale) a attiré mon attention. Les syndicats présents dans la banque ont sollicité la nullité du code de l’éthique et de la conduite que l’entreprise, de façon unilatérale, avait élaboré pour son personnel (à l’exception du personnel de direction), publié sur l’intranet de l’entreprise et remis sous forme papier à chaque salarié. Ils considéraient que le code allait trop loin et fragilisait des droits fondamentaux aussi importants que la dignité, la liberté d’expression et l’intimité.
L’affaire est intéressante d’un point de vue législatif, car il est inhabituel de se trouver face à des recours de salariés contre les codes internes de conduite. Les entreprises, qu’elles soient PME ou multinationales, tendent à les utiliser de plus en plus.
Dans ce cas concret, le code éthique et de conduite de la Banque contenait des limites extrêmes telles que :
- Le devoir de communiquer préalablement aux ressources humaines la réalisation d’une activité professionnelle secondaire à son travail.
- L’obligation d’obtenir l’autorisation expresse et préalable des ressources humaines :
- Pour participer en tant qu’intervenant à des conférences, cours externes et classes dans des institutions, et établissements d’enseignement
- Pour participer en qualité de professionnel bancaire à des forums, chats et sites internet
- Pour collaborer à tout type de publication
- Le devoir de s’abstenir de faire des déclarations dans les médias de quelque nature qu’elles soient ou réseaux sociaux relatifs à l’entreprise sans l’autorisation expresse préalable du département de communication externe
- La création d’un canal de dénonciation confidentiel de tout comportement de harcèlement ou de discrimination.
Il convient d’ajouter que le code de conduite de la banque prévoyait le caractère obligatoire pour le personnel et que son le manquement à ses règles pouvait faire l’objet de sanctions disciplinaires en accord avec la gravité des faits. À noter que la banque avait déjà eu d’autres codes de conduites par le passé et que jusqu’alors aucun salarié n’avait été sanctionné du fait de leur irrespect.
Dans les fondements de sa décision, le Tribunal reprend des aspects importants. Ainsi, il déclare que l’entreprise peut établir les codes de conduite des entreprises ou les négocier avec les représentants légaux des salariés ou les inclure dans les conventions collectives ou autres types d’accords. Les codes de conduite constituent une manifestation du pouvoir de l’entreprise. Quand le code est établi par l’entreprise, il est seulement possible de le compléter, et non de le substituer, par la législation nationale ou internationale, le dialogue social ou la négociation collective. Ces codes de conduite de l’entreprise sont étroitement liés au principe de transparence et aux politiques de Responsabilité Sociale Corporative. Ils constituent une compilation de règles de comportement idéal ou plus approprié, pour un groupe spécifique de professionnels. Les codes d’éthique ont pour finalité de faire connaître les pratiques que l’entreprise considère comme acceptables et celles qui ne le sont pas.
Le jugement analyse les clauses du code d’éthique litigieuses et détermine :
- La validité du canal de dénonciation confidentiel à condition qu’il constitue une possibilité complémentaire aux compétences que détiennent les représentants des salariés et qu’il ne limite ou n’exclue aucun autre mécanisme de dénonciation déjà établi dans l’entreprise et en particulier le protocole de prévention du harcèlement sexuel et moral au travail
- Il est admis que l’entreprise établisse les principes de conduite que doivent observer ses employés de façon à ce que les salariés ne puissent pas abuser de leur pouvoir pour obtenir des avantages patrimoniaux ou des opportunités commerciales. La prohibition de conflits d’intérêts et le fait que la banque exige l’autorisation préalable de l’employé avant qu’il n’offre un service à des clients ou des fournisseurs de la banque et avant de réaliser une quelconque activité professionnelle en relation avec n’importe qu’elle activité développée par le groupe bancaire doivent être communiquée de manière formelle au département des Ressources Humaines. En relation avec ce point, la chambre valide à condition que cela soit uniquement lié à la concurrence ou au conflit entre les intérêts de la banque et l’activité parallèle du salarié
- Toutefois, est nulle, en ce qu’elle enfreint l’intimité et la dignité du salarié, l’exigence d’une autorisation préalable d’exercer une activité professionnelle étrangère à l’entreprise, quelle qu’elle soit
- De même, il est considéré que l’obligation de communiquer préalablement sa participation en tant qu’intervenant à des cours ou séminaires externes, que ce soit aux Ressources Humaines ou au responsable direct de l’intervenant, excède le pouvoir de direction ou de contrôle de l’entrepreneur. Pour le Tribunal, ladite mesure implique une ingérence injustifiée dans le droit à l’intimité personnelle et familiale. Par conséquent, il prononce la nullité de la clause
- Le Tribunal n’admet pas non plus la validité de l’exigence d’autorisation préalable expresse de la direction de communication externe concernant tout échange ou contact avec des journalistes ou médias de toute nature, y compris les réseaux sociaux, qu’il s’agisse de dépêches, de rapports, de données économiques ou comptables, d’objectifs commerciaux. Pour le Tribunal, ladite mesure limitative entre directement dans le champ protégé par le droit à l’information et par la liberté d’expression. Par conséquent, il prononce la nullité de la clause sur ce point
- Au contraire, il donne son accord pour établir dans le pacte que la diffusion de données, nouvelles ou informations sur la banques en relation avec la stratégie, les prévisions commerciales ou l’image corporative doive se réaliser avec la plus grande prudence afin d’éviter la divulgation d’informations à caractère confidentiel.
En guise de réflexion finale, il convient de rappeler que les codes de conduite d’entreprises sont soumis au contrôle judiciaire de légalité. Ils devront respecter l’ordre normatif, la convention collective, et surtout, les droits fondamentaux des salariés. Le degré de contrôle de l’entreprise est limité sur certains aspects comme les activités parallèles des salariés, la participation comme enseignant ou conférencier ou leurs déclarations dans les médias et dans les réseaux sociaux et internet.
Ana Gómez
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