La procédure de faillite et son affectation aux opérations de leverage buy-out

Concept et interdiction légale

Ces dernières années, les rachats d’entreprises par endettement, connus aussi dans le domaine commercial comme leveraged buy-outs (LBO) ont été très fréquents en Espagne. Ces opérations constituent des acquisitions d’un pourcentage majoritaire au capital social d’une société cible (target company), ladite acquisition étant financée moyennant des prêts obtenus d’un tiers qui sont garantis avec les actifs de la société cible même, ou qui sont remboursés à la charge des ressources patrimoniales et des cash-flow attendus de celle-ci. Il peut même arriver que le prix de l’acquisition soit payé de façon échelonnée aux vendeurs par la target company même, qui est fusionnée après son acquisition -et préalablement au paiement du prix- avec une société véhicule constituée par l’investisseur (traditionnellement, un fonds de capital risque) aux seuls effets d’acquérir les actions ou les parts en question. C’est-à-dire, le résultat des LBO est que l’acquéreur porte le coût de son acquisition sur le patrimoine de la propre société cible ou target company.

Ainsi, les opérations de LBO semblent contredire l’interdiction d’assistance financière pour l’acquisition d’actions ou de parts propres fixée aux articles 81 de la Loi sur les Sociétés Anonymes et 40 de la Loi sur les Sociétés à Responsabilité Limitée. Moyennant ladite interdiction, le législateur cherche à conserver l’intégralité du capital social, en empêchant que celui-ci se finance à la charge du patrimoine de la société même au lieu de se nourrir des apports externes des associés. L’interdiction cherche aussi à protéger les intérêts des tiers créanciers, qui peuvent voir leurs droits d’encaissement légitimes atteints en raison du fort endettement que les opérations d’assistance financière peuvent impliquer pour la société. D’autre part, on cherche à protéger les associés minoritaires face aux majoritaires et aux administrateurs. Ceux-ci peuvent être tentés de fournir des fonds de la société à des tiers de leur confiance pour qu’ils acquièrent les actions ou les parts dont ils ont besoin afin de s’assurer le succès des délibérations de l’assemblée.

Effets éventuels de l’inexécution

Malgré sa contradiction avec l’interdiction d’assistance financière susmentionnée, il est fortement improbable, tant que la target company est une société solvable qui remplit ses obligations, que quelqu’un puisse avoir un intérêt à contester l’opération de rachat d’entreprise par endettement. Seulement l’investisseur acquéreur des actions ou parts en question (généralement, un fonds de capital risque), s’il voit ses anticipations économiques déçues, pourrait avoir un intérêt à contester la validité juridique de l’opération et à chercher ainsi à récupérer son investissement. Cependant, ladite possibilité est peu probable, étant donné que la légitimité de l’investisseur pour contester une opération illégale dans laquelle il est intervenu activement en tant que partie serait fortement douteuse, sans préjudice du discrédit que pourrait impliquer sur le marché financier le fait d’attaquer la validité d’une opération financièrement ratée et de conserver celle d’autres LBO de succès.

Par contre, l’apparition de personnes intéressées à la contestation de la LBO dans le cas d’une procédure de faillite de la target company serait plus probable. En effet, les investisseurs qui voient le recouvrement de leurs créances menacé pourraient constater que la contestation de la LBO et la réintégration subséquente à la target company du prix payé par celle-ci aux vendeurs (anciens associés) impliquerait une forte augmentation du patrimoine de la société -la masse active- avec lequel les dettes de celle-ci pourraient être acquittées et, par conséquent, les crédits desdits créanciers.

Possibilités de contestation de la LBO

Les possibilités pour que de tels créanciers atteignent leur objectif seraient fondamentalement les suivantes:

En premier lieu, la résiliation de la LBO ancien article 71.1 de la Loi sur le droit des faillites. Ladite disposition signale qu’une fois l’appel d’offre déclaré, les actes nuisibles à la masse active effectués par le débiteur dans les deux années précédant la date de déclaration seront résiliables, même s’il n’y a pas eu d’intention frauduleuse. L’interdiction légale d’assistance financière pour l’acquisition d’actions ou de participations propres n’entre pas en jeu dans ce cas, puisque les actes résiliables ne doivent souffrir d’aucun vice intrinsèque, mais le fondement de la résiliation consisterait uniquement et exclusivement à la lésion de la masse active. Dans ce cas, les personnes intéressées à la résiliation chercheraient à justifier devant le Tribunal de Commerce que le surendettement de la target company découlant du prix à payer aux vendeurs constitue une réduction évidente de leur patrimoine et que le paiement dudit prix, étant donné qu’il manque de contrepartie en faveur de la target company ou au moins d’un équivalent depuis la perspective de l’intégralité des créances de faillite, a nui à la masse active. L’intention des intervenants à la LBO serait complètement insignifiante.

En deuxième lieu, la contestation de la LBO ancien article 71.6 de la Loi sur le droit des faillites, selon lequel l’exercice des actions révocatoires n’empêchera pas l’exercice d’autres actions de contestation d’actes du débiteur qui aient lieu conformément à la loi ; celles-ci pourront être exercées devant le juge de l’appel d’offre. Si elles ont recours à cette voie, les personnes intéressées -cette fois-ci- allégueraient devant le Tribunal de Commerce la violation de l’interdiction légale d’assistance financière pour acquisition d’actions ou de parts propres, nulle de plein droit conformément à l’article 6.3 du Code civil espagnol. Contrairement à la possibilité précédente, dans ce cas l’action ne serait pas soumise à aucune limite temporelle, étant donné que l’action de nullité ne se prescrit jamais.

Conséquences d’une contestation de succès

Évidemment, les conséquences du succès de la contestation de la LBO seraient dramatiques aussi bien du point de vue économique que juridique. En fonction de l’action exercée et de l’objet de celle-ci, un ou plusieurs des paiements reçus à titre de prix pourraient être déclarés inefficaces, et les vendeurs devraient donc les réintégrer à la masse active. Les conséquences d’une déclaration de nullité de toute l’opération de LBO seraient spécialement complexes : les vendeurs récupéreraient la titularité de la target company, la fusion de celle-ci avec la société véhicule devrait se « défaire » car elle fait partie d’une opération illégale et nulle, etc. Et encore les vendeurs, en tant qu’associés de la target company, en plus de restituer le prix perçu sur la base de la LBO, pourraient devenir des créanciers subordonnés de la target company faillie, s’ils tombent sur les circonstances légalement établies.

Évaluation et pertinence d’une solution légale précise

Plusieurs auteurs ont critiqué l’interdiction catégorique d’assistance financière pour l’acquisition d’actions ou parts propres prévue à la législation commerciale espagnole, fondamentalement car les LBO et l’emploi conséquent de l’endettement sociétaire peuvent prendre en compte l’exécution d’objectifs ou de formules de restructuration d’entreprise parfaitement légitimes. En effet, tel qu’il a été signalé par Vaquerizo Alonso, le surprix payé au nouvel actionnaire majoritaire dans le cadre de la LBO ne doit pas être nécessairement entendu comme une réduction patrimoniale ou un vol à la société, puisque ceci impliquerait ignorer les bons effets planifiés moyennant l’opération et qui se voient forcément reflétés sur la valeur la plus grande des actions ou des parts au moment de l’acquisition. Un tel prix peut être le reflet des nouvelles anticipations de rendements futurs de l’entreprise surgis à la suite de la restructuration qui normalement entraîne le remplacement de la majorité de contrôle, par exemple la réduction de coûts opérationnels, une meilleure exploitation des ressources sociales dérivées de changements dans la gestion, etc.

Mais cela n’implique pas que l’énorme puissance des LBO pour générer des conflits d’intérêts entre ceux qui les favorisent et ceux qui se voient affectées par celles-ci malgré leur manque de participation à celles-ci soit omise; il est indéniable qu’une grande partie du risque associé à l’opération est supporté par les créanciers. D’où la convenance de ce que le législateur établisse des solutions légales aux problèmes pouvant être générés par les LBO, comme par exemple, quel serait l’établissement d’un régime de subordination de crédits, de façon à ce que l’on fasse passer devant, dans l’encaissement aux créanciers préexistants, l’opération de LBO face au créancier qui a participé à sa planification.

Pour toute information supplémentaire concernant la procédure de faillite en Espagne,

Cet article ne relève pas du conseil juridique

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