L’article 93a) de la Loi espagnole des Sociétés des Capitaux (LSC) reconnaît à tout associé le droit de participer aux bénéfices de la société. Néanmoins, il ne s’agit pas d’un droit automatique et l’Assemblée Générale devra toujours décider à chaque exercice si les résultats positifs se destinent ou bien à la constitution ou à l’augmentation des réserves volontaires ou bien à la répartition entre les associés.
La distribution ou la non-distribution des bénéfices d’une société soulève l’un des conflits les plus fréquents dans l’activité des sociétés des capitaux.
La Loi 25/2011 incorpore dans la LSC le nouvel article 348 bis. Cet article reconnaît en faveur des associés des sociétés anonymes non cotées, des sociétés à responsabilité limitée et des sociétés commanditaires par actions un droit de séparation dans l’hypothèse de la non-répartition d’un dividende minimal (un tiers des résultats positifs générés au cours de l’exercice dont les comptes annuels sont approuvés). On remarquera les effets de cette nouvelle disposition pendant les premiers mois de cette année au moment de l’approbation des comptes annuels.
Le droit de séparation est reconnu à partir du cinquième exercice social dès l’immatriculation de la société au Registre de Commerce et des Sociétés et devra être exercé dans un délai d’un mois à compter de la date de la tenue de l’Assemblée Générale Ordinaire. La légitimation pour l’exercice de ce droit appartient à l’associé ayant voté en faveur de l’accord de distribution.
En cas d’exercice légitime du droit de séparation, la société est obligée de rembourser à cet associé la valeur raisonnable de ses actions ou parts sociales. Si on n’arrive pas à un accord sur la valeur, elle sera déterminée par un audit désigné par le Registre de Commerce et des Sociétés à la demande de la société ou d’un des associés concernés.
Même si la nouvelle disposition ne dit rien sur la base de calcul des bénéfices à répartir, on peut conclure que ces bénéfices sont ceux qui résultent de l’activité normale de la société et, par conséquent, ni les bénéfices ou résultats extraordinaires ni les plus-values dans la comptabilité ni les réserves des opérations de restructuration ne seront pris en compte.
Néanmoins, le nouvel article 348 bis LSC peut donner lieu à quelques incertitudes, parmi lesquelles on peut citer les suivantes :
Est-il possible de refuser valablement le droit de séparation à l’associé dissident lorsque la société se trouve dans une situation financière risquée ?
Cette question se pose quand on peut mettre en péril la marche de la société dans l’hypothèse où la distribution des bénéfices a lieu. L’associé minoritaire devra agir de bonne foi. Dans quelques cas, il se peut que la société ne reconnaisse pas le droit de séparation et l’associé sera celui qui devra initier des actions contre la société et cette dernière devra soulever la priorité de l’intérêt social face à un exercice abusif de la part de l’associé minoritaire.
Est-il possible d’établir une dérogation statutaire à cette règle ?
En tout cas, cette clause devrait compter avec l’approbation unanime de tous les associés, mais sans arriver à stipuler que la société ne doit jamais distribuer des dividendes puisque cela donnerait lieu à une vulnération de l’un des principes fondamentaux des sociétés des capitaux. Ladite clause pourrait établir un dividende minimal à repartir mais inférieur à un tiers des résultats positifs générés dans l’exercice social dont les comptes sont approuvés.
Elle pourrait aussi déterminer l’inapplicabilité de la disposition dans des cas d’absence grave de liquidité ou de financement de projets d’investissement.
Face à ces incertitudes, il est convenable de prévenir les conflits causés par la non distribution des bénéfices par les voies suivantes :
- La révision de l’objet social dans les statuts afin de l’adapter le plus possible à l’activité de la société. Le bénéfice social à être distribué sera déterminé à partir du contenu de l’objet social.
- L’introduction de dispositions statutaires déterminant clairement l’application des résultats ou bénéfices pour tous les associés minoritaires ou majoritaires.
- Faire appel à l’arbitrage et, dans ce cas, l’arbitre sera la personne chargée de la détermination du montant objet de la distribution.
La principale raison de cette nouvelle disposition est celle de garantir la protection des associés ou actionnaires minoritaires ; néanmoins, il est évident qu’elle aura des influences et des conséquences sur la marche de la société et pourra causer des situations spécialement onéreuses pour la société qui auraient pu être évitées par le biais d’autres moyens en privilégiant l’intérêt social sur tout autre intérêt individuel d’associés minoritaires.
Leyre Barragán
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