Le Statut des Travailleurs espagnol pose, dans son article 55.5, le principe de la nullité du licenciement des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes. Le licenciement ne sera déclaré légal qu’exceptionnellement, lorsqu’il répond à des motifs étrangers à la grossesse ou à l’exercice des droits s’y rattachant, prévus par ledit Statut.
Bénéficiaires de la réglementation
La protection prévue à l’article 55.5 du ST s’applique à la travailleuse enceinte lorsque l’employeur, sans avoir été formellement informé de la grossesse par la travailleuse elle-même, en aurait eu connaissance, conformément à la Directive 92/85/CEE (CJUE C-232/09, Danosa, 11 novembre 2011).
Se fondant sur une définition biologique et corporelle de la grossesse, la jurisprudence de la CJUE (obligatoire dans tous les États Membres) a déclaré que :
- La simple intention de tomber enceinte n’est pas protégée par cette règlementation (CJCE C-506/06 du 26 février 2008).
- Dans les hypothèses de traitements de fertilité, la protection prévue par la D. 92/85/CEE et par l’art. 55.5 du ST, produit ses effets à partir du transfert des ovules dans le sein maternel (CJCE C-506/06 du 26 février 2008).
- Les garanties prévues par cette réglementation protectrice ne s’appliqueront pas à la travailleuse devenue mère après avoir eu recours à une mère porteuse (CJUE 167-12 et 363-12 du 18 mars 2014).
Licenciement de la travailleuse enceinte : nullité ou légalité?
Lorsque l’employeur avait connaissance de la grossesse lors du licenciement de la travailleuse :
- La règle générale est que le licenciement sera nul, conformément à l’art. 55.5 du ST.
- Exceptionnellement, le licenciement sera déclaré légal si l’employeur parvient à démontrer qu’il répond à des causes objectives, étrangères à la grossesse, conformément à art.10 de la Directive 92/85/CEE. De telles causes objetives peuvent être:
Des causes disciplinaires
Dans son arrêt en date du 10 février 2014, le Tribunal Suprême de Justice de Catalogne déclare que la protection légale octroyée à la travailleuse durant toute la durée de sa grossesse devient nulle en cas de preuve d’une cause disciplinaire qui justifie alors le licenciement (en l’espèce, était sanctionné l’usage abusif de l’accès à Internet et du téléphone de l’entreprise, manquant alors aux règles de bonne foi et constituant un abus de confiance).
Une situation économique négative
Dans son arrêt en date du 13 octobre 2014, le Tribunal Suprême de Justice de Madrid, considère que l’entreprise défenderesse a pleinement justifié et prouvé que son acte de licenciement ne s’appuyait pas sur une atteinte aux droits de la travailleuse enceinte, mais sur la situation économique négative de l’entreprise. Le Tribunal déclare que la preuve est complète étant donné qu’elle démontre la licéité de la mesure extinctive et la légalité du licenciement.
Lorsque l’employeur n’avait pas connaissance de la grossesse lors du licenciement de la travailleuse :
Il convient de préciser que la protection de la travailleuse enceinte, étant automatique et objective, elle produit ses effets dès le début de la grossesse, indépendamment du fait que l’employeur en ait ou non connaissance (arrêt du Tribunal Suprême, 3 octobre 2013). Par conséquent, la travailleuse n’est pas obligée d’informer l’employeur de sa grossesse, et celui-ci ne pourra pas alléguer le défaut de notification de sa part pour justifier le licenciement.
La jurisprudence espagnole semble ne pas accepter l’ignorance de l’état de grossesse de l’employée comme argument valide pour son licenciement ; ce n’est que dans des cas exceptionnels que cet argument est accepté comme fait exonérant l’employeur. Par conséquent, l’employeur qui n’aurait pas connaissance de la grossesse d’une travailleuse qu’il licencie devra justifier son acte de la même manière qu’il l’aurait fait si il en avait eu connaissance.
Inés Ducom
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