L’année 2019 a commencé avec la publication dans le Journal officiel de l’État espagnol de la nouvelle loi sur les secrets d’affaires (Loi 1/2019). Son entrée en vigueur le 13 mars dernier a permis à l’Espagne de s’aligner sur le reste des pays de l’Union européenne en matière de protection de l’innovation et de production de connaissances. En effet, elle aborde notamment les pratiques illicites d’appropriation, d’espionnage, de plagiat et de violation de la confidentialité.
Cette loi, qui vise à transposer la directive européenne 2016/943, du 8 juin 2016, met en place un système de défense efficace permettant aux entreprises, dont les secrets d’affaires ont été divulgués de manière illégitime, d’agir de manière ferme contre la partie contrevenante.
Jusqu’à l’entrée en vigueur de ladite loi, l’Espagne n’avait aucun instrument spécifique entièrement dédié à la protection des secrets d’affaires, même si ces derniers étaient protégés dans différents domaines (grâce à certaines dispositions à caractère individuel du Code pénal espagnol, à la loi espagnole sur la concurrence déloyale, ainsi que, dans le domaine privé des relations contractuelles, grâce à l’ajout de clauses spécifiques à la protection).
Définition juridique du Secret d’affaires
En premier lieu, la nouvelle loi établit ce qui doit être compris par secret d’affaires. Elle le définit comme toute information ou connaissance, technologique, scientifique, industrielle, commerciale, organisationnelle ou financière, qui à tout moment, réunit trois critères indispensables. À savoir :
- Il doit s’agir d’un secret, dans la mesure où il n’est pas connu de tout le monde, ni aisément accessible dans le cadre dans lequel il serait normalement utilisé
- Il doit avoir de la valeur pour l’entreprise au regard de son caractère secret
- Son titulaire doit adopter des mesures raisonnables afin qu’il reste secret.
En vertu de cette définition, des éléments de propriété industrielle/intellectuelle non protégés (comme pourrait l’être une récente invention non couverte par un brevet industriel), des formules scientifiques, des méthodes de travail, mais également des listes de clients ou de fournisseurs, des bases de données, des stratégies d’entreprise, des politiques de coûts et d’autres informations financières pertinentes, etc., pourraient être considérés comme des secrets d’affaires.
Il est important de souligner le caractère patrimonial que la loi que nous analysons attribue aux secrets d’affaires. Cela signifie que ce sont des éléments susceptibles d’être transmis, cédés ou soumis à une licence d’utilisation, puisque ladite loi leur donne une forme semblable à celle des droits de propriété intellectuelle/industrielle traditionnels, tels que les marques ou les brevets.
Comportements illicites et exceptions en vertu de la nouvelle loi
Les comportements considérés comme illicites par la nouvelle loi peuvent se résumer à :
- Se procurer un secret d’affaires au moyen d’actions dites déloyales, sans avoir eu le consentement de son titulaire
- Utiliser ou divulguer un secret d’affaires, lorsque celui-ci a été obtenu de manière illicite ou si son utilisation ou sa divulgation impliquent le non-respect d’une obligation de confidentialité ou d’une autre obligation de même nature.
Toutefois, bien que cette loi vise à protéger le titulaire d’une éventuelle violation du secret d’affaires, elle exclut les cas dans lesquels son obtention, son utilisation et sa divulgation ne seront pas considérées comme illicites. Nous pouvons notamment mentionner les cas suivants :
- La découverte et la création indépendantes
- L’ingénierie inverse sans obligation de confidentialité
- L’exercice du droit des salariés et de leurs représentants à être informés et consultés
- Toute autre action devant être considérée comme loyale.
Actions pour la défense des secrets d’affaires
Cette loi a également l’avantage de proposer de manière claire un ensemble de mesures efficaces pour se défendre contre les infractions dans ce domaine. Ces mesures pourront être exercées devant les juridictions civiles, en mettant en avant, entre autres, les actions suivantes :
- La déclaration de l’infraction ou de la violation du secret d’affaires
- La cessation ou l’interdiction des actes faisant l’objet d’une violation du secret d’affaires
- La saisie des marchandises faisant l’objet de l’infraction
- La suppression
- La remise au titulaire de la totalité ou d’une partie des documents, des objets, du matériel, etc., contenant le secret d’affaires et, le cas échéant, sa destruction totale ou partielle
- L’indemnisation sous forme de dommages-intérêts
- La publication de la décision de justice.
Ces actions de défense des secrets d’affaires, parmi toutes celles prévues à l’article 9 de ladite loi, devront être exercées dans les trois ans à compter du moment où le titulaire a connaissance de l’infraction.
De plus, le titulaire du secret d’affaires aura la possibilité de demander des mesures conservatoires et des procédures de vérification des faits, conformément aux dispositions de la loi espagnole sur les brevets.
Manuel Álvarez-Sala et José María Mesa
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