La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a jugé que l’Espagne a porté atteinte à la liberté de circulation des capitaux en traitant différemment des résidents et des non-résidents en matière fiscale sur les héritages et les donations. Les contribuables non-résidents concernés par cette mesure auront le droit de demander le remboursement des sommes indûment payées de l’impôt sur les successions et les donations (ISD) des 4 dernières années ou la possibilité d’exiger la responsabilité civile
Discrimination du contribuable non-résident
La question débattue dans la décision de justice est le traitement du non-résident par rapport au paiement de l’impôt sur les successions et les donations dans la législation espagnole. La loi de l’ISD permet aux Communautés Autonomes d’établir différentes réductions fiscales s’appliquant uniquement aux résidents de son territoire. C’est pourquoi si dans une succession ou donation, intervient un contribuable qui ne réside pas sur le territoire espagnol, ou qui a pour objet un bien immeuble situé hors du territoire espagnol : il ne peut y avoir de réduction fiscale. A partir de cela nait la discrimination fiscale, contraire aux normes européennes.
Selon la CJUE, si la loi espagnole considère les héritiers ou les donataires comme résidents ou non, assujettis à l’impôt, ou les biens situés à l’extérieur ou sur le territoire espagnol comme imposables, alors il n’y a pas de différence entre la situation objective d’un résident ou celle d’un non-résident ou bien entre la situation géographique d’un bien ou d’un autre qui pourrait justifier la différence de traitement.
Ainsi, une réglementation telle que la réglementation espagnole ne peut – sans créer de discriminations – traiter différemment dans le cadre d’une même imposition, ces différentes catégories de contribuables ou de biens concernés par les réductions fiscales.
Conséquences et effets pratiques: remboursement des sommes indûment payées, responsabilité civile de l’État et réforme de l’ISD
Suite à cette décision, on met un terme aux situations dans lesquelles les ayants droits d’un même héritage s’acquittent de l’impôt de manière différente. Certains bénéficiant d’une réduction du simple fait d’être résidents de la même Communauté Autonome que le donataire et d’autres subissaient une discrimination en ne pouvant appliquer que les avantages fiscaux établis par la règlementation nationale.
La décision expose le possible remboursement des impôts acquittés pour héritage et donations par les non-résidents de l’Union Européenne durant les 4 dernières années (impôts payés par rapport à ceux dont la prescription de 4 années ne s’est pas écoulée), en plus d’exiger l’adaptation de la norme espagnole à la jurisprudence européenne afin d’éviter toute discrimination future.
Le ministère des finances fera face aux demandes de remboursement des contribuables non-résidents des groupes I et II (parents et enfants) touchés par cette mesure et remboursera les recettes indûment touchées de l’impôt durant ces 4 dernières années ou les demandes en responsabilité de l’Etat.
Pour cela, il faudra déterminer quelle est, ou quelle a été la bonification pour chaque année et l’emplacement géographique de ces biens hérités ou donnés.
En ce qui concerne les impôts de succession et de donations payés et prescrits, il sera tout de même possible d’exiger la responsabilité de l’État ou la réparation du préjudice à titre d’indemnisation pour avoir exigé le paiement d’impôt par voie de réglementation fiscale non conforme au droit de l’Union européenne.
Il convient de signaler que la réforme fiscale entreprise par le gouvernement espagnol en 2014 n’aborde pas l’un des aspects recommandés dans le Rapport de la Commission d’expertise pour la réforme du système fiscal Espagnol, c’est-à-dire la modification et l’harmonisation de l’impôt des successions et donations. Toutefois, suite à la décision de justice de la CJUE, cette réforme apparait comme indispensable.
Cet article ne relève pas du conseil juridique