On observe en Espagne entre 680.000 et 900.000 logements neufs invendus, d’après les estimations officielles du Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, sur un marché qui ne présente quasiment aucune mobilité. L’année dernière 361.831 logements se sont vendus, deux fois moins qu’il y a cinq ans. Le gouvernement recherche de nouvelles formules pour trouver une solution à cette grande quantité de logements vides; c’est pourquoi le Secrétaire d’État au Commerce, Jaime García Legaz, a annoncé qu’il envisagerait la possibilité de concéder un permis de séjour temporaire aux étrangers qui achèteraient une maison d’une valeur supérieure à 160.000 €.
La mesure, comme l’a reconnu le gouvernement, est pensée dans le but d’attirer des citoyens russes et chinois, qui seraient susceptibles d’effectuer des séjours en Espagne, de préférence sur la côte, notamment la côte méditerranéenne, où se trouve la moitié des logements inhabités. Le problème de ce tourisme de longue durée est qu’il faut obtenir un visa d’entrée et la bureaucratie décourage de nombreux acheteurs potentiels à acheter.
Il est à noter que les citoyens russes se situent déjà parmi les étrangers non communautaires qui achètent le plus de logements en Espagne. En effet, en 2011 ils ont acquis 1645 logements, 7,86% des logements achetés par des étrangers, ceci essentiellement à des fins touristiques, sur la côte. Ils se situent en quatrième position en ce qui concerne l’achat immobilier par des étrangers, seulement en dessous de trois pays de l’Union Européenne: le Royaume Uni, la France et l’Allemagne. La moitié des habitations acquises par des citoyens russes étaient neuves et pour la majorité la superficie excédait cent mètres carré.
Le profil de l’acheteur chinois est très différent, selon les statistiques du Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie. Il s’agit d’un acheteur qui arrive en Espagne afin de trouver un travail, occupant la première place parmi les étrangers investissant dans l’immobilier espagnol à ces fins. Les logements acquis par les citoyens chinois en 2011, selon les données de l’École des Conservateurs des Hypothèques, Biens immobiliers et marchands d’Espagne, sont dans 68% des cas, des logements d’occasion et avec une superficie de 60 et 80 mètre carrés situés dans les grandes villes.
Cette mesure suscite aujourd’hui une grande polémique pour des raisons fondamentales: la peur de voir s’installer des groupes mafieux en Espagne, profitant de ce titre de séjour temporaire. Les mafias chinoise et russe avec la colombienne et l’italienne, sont considérées comme les principaux groupes criminels organisés. Le récent démantèlement du groupe mafieux dirigé par Gao Ping , connue comme Opération Empereur illustre notre propos. Il a permis de découvrir un réseau de blanchiment de capitaux et fraude fiscale, activités dans lesquelles, d’après des statistiques policières, se trouvent actuellement les mafias, ainsi que la prostitution, l’extorsion, la contrebande et les falsifications. Ce réseau entrainait une fuite de capitaux s’élevant à plus 200 millions d’euros chaque année (entre 200 et 300 millions).
Les bandes mafieuses russes ou ex-soviétiques ont choisi l’Espagne, selon le Centre National d’Intelligence, comme lieu de repos et refuge et se dédient principalement au blanchiment d’argent et à l’investissement immobilier. Le livre sur la mafia russe Palabra de vor, écrit par Pablo Muñoz y Cruz Morcillo en 2010, signale que les criminels russes évitent de commettre des assassinats et d’autres délits violents en Espagne, dans le but de mettre leurs membres à l’abri et ainsi de placer l’argent généré par leur activité illicite.
Il est donc logique, à la vue de ces antécédents, que l’initiative du gouvernement de concéder le permis de séjour temporaire aux étrangers qui achètent des maisons de plus de 160.000 € soit source de controverses.
Le permis de séjour temporaire est régularisé par la Loi Organique 4/2000, du 11 janvier, sur les droits et libertés des étrangers en Espagne et leur intégration sociale, plus connue en tant que Ley de extranjeria. L’article 31 de cette loi régularise la résidence temporaire, comme elle nous le signale dans son premier point: la résidence temporaire est la situation qui autorise à rester en Espagne pour une période supérieure à 90 jours et inférieur à cinq ans. Les autorisations dont la durée serait inférieure pourront être renouvelées, à la demande de l’intéressé, répondant aux circonstances qui motivent sa concession. La durée des autorisations initiales, de séjour temporaire, et des renouvèlements sera établie par voie règlementaire.
Le deuxième point de cet article régularise le séjour temporaire sans permis de travail, ce qui correspond à l’initiative que le gouvernement propose pour ceux qui achèteraient des maisons de plus de 160.000 €. Ce point nous dit que Le permis initial de séjour temporaire ne comportant pas de permis de travail, sera octroyé à celui qui dispose de moyens suffisants pour soi et sa famille. Dans ses supposés, le point 3 de l’article établit que le visa ne sera pas exigible, ceci va en accord avec la volonté de la proposition du gouvernement.
De cette façon, il faut se demander si la mesure de l’achat de logement est nécessaire, si le simple fait d’avoir des ressources suffisantes pour se maintenir en Espagne est déjà suffisant pour obtenir la carte de séjour temporaire.
Il ne faut tout de même pas oublier que l’objectif principal de cette mesure est de bénéficier à l’économie espagnole, faisant accroître le tourisme, dynamisant en même temps le secteur de l’immobilier, noyau de la crise économique dont souffre le pays. Ainsi, on prétend liquider une partie du stock de logements qui continuent de freiner les possibilités de récupération économique de l’Espagne, puisque la majorité se trouve entre les mains des banques.
Il est indéniable qu’il faut une voie pour remettre à flot le système financier et même si cette mesure a été fortement critiquée par ses opposants, en réalité elle est en train d’être mise en œuvre par de nombreux pays. En effet, l’Espagne n’est pas pionnière dans ce domaine, mais elle s’inspire de l’initiative de pays de l’Union Européenne, ainsi que d’autres non-communautaires. Nous retrouvons plusieurs précédents par rapport à cela, utilisés par les gouvernements pour lutter contre la crise économique vécue par les pays occidentaux depuis déjà quelques années.
Cependant, il faut nuancer l’adaptation faite par chaque pays sur ce type de mesure, tous les cas ne sont pas identiques et dans la majorité des pays celle ci est souvent liée à l’idée d’investir, soit à travers la création d’entreprises, soit par l’achat d’un logement.
Le modèle qui se rapproche le plus de la mesure prétendue par l’exécutif espagnol est celui mené par le gouvernement portugais, qui a modifié sa législation en septembre dernier. Le Portugal facilite aujourd’hui la concession du permis de séjour temporaire aux citoyens étrangers qui investissent au sein du pays avec l’achat d’un immeuble d’une valeur supérieure à 500.000 euros.
Le pays lusophone n’a pas été le seul à miser en faveur de cette mesure; les États-Unis attendent que le Congrès approuve une proposition pour améliorer les visas et stimuler le tourisme international.
La réforme inclut un lot de mesures en matière d’immigration pensée comme support pour les investissements étrangers aux États-Unis. Ils ont proposé plusieurs moyens pour obtenir le visa de résidence, comme par exemple ouvrir une société aux États-Unis qui créerait des postes de travail. Il s’agit de l’un des aspects de la mesure qui a été adopté par des pays tels que l’Irlande, le Royaume Uni, la France, l’Italie et l’Allemagne, qui se joignent à cette initiative, mais avec une variation puisqu’ils ne visent pas le secteur de l’immobilier, mais les investissements patronaux, qui créent des postes de travail dans le pays. Par exemple, le Royaume Uni présente un système d’ «immigration par points», qui bénéficie aux citoyens arrivant dans le pays munis d’un visa de catégorie «investisseur». De la même façon, la France propose un apport économique exceptionnel, l’Allemagne se réfère à un intérêt économique général ou au besoin régional comme condition pour bénéficier du permis de séjour. Ainsi, il est prévu que les activités de ces citoyens étrangers au sein du pays aient des effets positifs sur l’économie et que le financement soit garanti.
De surcroît, la proposition étasunienne de Loi bipartisane, présentée par le Sénateur démocrate de l’Etat de New-York, Charles Shummer et par le Sénateur Mike Lee pour Utah, il s’agit de concéder des visas (Visa Visit Act) aux investisseurs étrangers qui désirent acheter des propriétés résidentielles pour une valeur supérieure à 500.000 dollars aux États-Unis. L’objectif est d’augmenter l’appel du marché immobilier américain pour les investisseurs étrangers qui voudraient passer du temps dans le pays, surtout sur la côte ouest, et ses destinations telles que la Floride ou San Marin.
Malgré les critiques de cette récente proposition du gouvernement, cette mesure peut contribuer à améliorer d’une certaine façon l’inquiétante situation du marché immobilier espagnol. D’après les paroles du Sénateur Shummer: «créer des conditions avantageuses pour ainsi stimuler les étrangers à acquérir des biens immobiliers est une manière d’augmenter la demande sans augmenter les dépenses de l’État, même pas d’un centime».
Teresa del Riego
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